L'aventure du Tricolor - deuxième partie

Le TRICOLOR n'est pas n'importe quel navire. Il fait 190 mètres de long et 32 mètres de large. A la suite de sa collision avec le KARIBA, il a coulé le 14/12/2002 à l'un des endroits où toute la navigation destinée à l'Europe transite, la Manche, dont la profondeur à marée basse à cet endroit n'est que de 27 mètres. Couché, il est juste sous la surface à marée haute et dépasse de 5 mètres à marée basse.
Photo Préfecture Maritime de la Manche et de la Mer du Nord
La zone comporte de nombreuses épaves et des dizaines de milliers d'explosifs hérités des guerres passées. Une autre caractéristique majeure est l'extrême importance des courants qui sont parmi les plus forts du monde. Dans le Pas-de-Calais, les courants atteignent 4,5 nœuds ce qui rend dérisoire la pose de barrage anti-pollution. Il faut donc absolument empêcher que celle-ci se produise.

Photo VG.no
Pour signaler le navire renversé, une bouée lumineuse à écho radar est installée et des messages diffusés toutes les heures donnent la position exacte du danger. La gendarmerie maritime place le patrouilleur GERANIUM au nord de l'épave, le côté le plus fréquenté. Lançant des appels à chaque navire en vue. Sa présence empêchera de nombreuses autres collisions.
Malgré ça, dans la nuit du 15 au 16 décembre. le NICOLA, navire néerlandais qui retourne à Rotterdam s'échoue sur la coque du TRICOLOR. Il faudra deux remorqueurs et plusieurs heures pour le sortir de là.

Photo MUMM.ac.be
Le dispositif est alors renforcé sous la forme de cinq balises supplémentaires, d'un patrouilleur de la Marine Nationale française, le FLAMANT auquel s'ajoute un patrouilleur britannique et un navire assistance envoyé par l'armateur Wallenius Wilhelmsen. Les messages sont à présent diffusés toutes les demi-heures et le CROSS de Gris-Nez contacte un à un tous les navires empruntant la voie pour les prévenir de la situation. De la même façon, les autorités belges, britanniques et françaises préviennent individuellement chaque navire au départ des ports de leurs pays respectifs. En outre, au départ de Seebrugges, le pilote signale la position de l'épave à chaque appareillage.

Pourtant, le premier janvier 2003, aux alentours de 20 heures, le pétrolier turc VICKY, venant d'Antwerpen à destination des Etats-Unis percute l'épave par le travers. Il venait pourtant d'être contacté par radio, mais n'a pas dévié sa route. On voit, sur les photos, la trace qu'il a laissée.

Alors ? Comment imaginer que cet abordage ait pu avoir lieu ? Comment ne pas voir six balises lumineuses? Comment ne pas repérer sur un écran leur écho-radar et ceux des quatre navires qui environnent l'épave ?

Le commandant du VICKY semblait tomber des nues. Quoi ? Une épave ? Aux remarques concernant les messages radio, il ne peut pas dire qui a répondu, ni qui a reçu les messages écrits, ni qui était au  radar.
Aucune des personnes de la passerelle n'a déclaré être au courant de quoi que ce soit concernant cette épave alors que de Cherbourg à Dunkerque ce sont quatre messages qui ont été envoyés vers le pétrolier pendant les deux heures avant l'accident. A les entendre, ils n'ont rien vu, rien entendu.

Mark Clark, un porte-parole des garde-côtes du Royaume-Uni, a déclaré à la BBC qu'il était impossible de croire que l'équipage du VICKY n'avait pas reçu les avertissements. Il y a suffisamment de balises émettant des signaux pour qu'on puisse dire qu'il est clair qu'ils n'ont pas été à l'écoute de la radio.

Une anecdote en particulier, qui ne concerne pas le VICKY, montre que parfois, on compte un peu trop sur la technique pour agir à sa place et qu'on laisse les navires naviguer seuls :

Le 4 janvier 2003, le secrétaire d'Etat aux Transports et à la Mer en France, M. Dominique Bussereau, était avec une équipe de télévision de la chaîne publique France 3 dans un hélicoptère au-dessus du TRICOLOR. Sur le chemin du retour, le CROSS Gris-Nez a dérouté l'aéronef vers un navire, au large du Pas-de-Calais, lequel ne répondait plus aux messages radios depuis une heure et demie. Lors du survol du bateau, les passagers de l'hélicoptère ont pu constater que la passerelle était vide !

Après quelques explications, le commandant et l'officier de quart ont été mis à pied dès le débarquement par l'armateur du navire.
Jamais une machine, si perfectionnée qu'elle soit ne remplacera un homme, que ce soit dans la marine ou ailleurs.




2 commentaires:

  1. Personne du tout ! ils y vont fort dans l'inconscience.

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    1. Pilotage automatique. Ils n'ont pas eu de chance, cette fois, mais ça ne devait pas être la première fois. Mais à cet endroit, ça craint. Après, on s'étonne que des petits chalutiers soient envoyés par le fond et que la passerelle n'ait rien vu. Forcément si personne ne s'y trouve.

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